Bon, le gros, le massif le lourd est géré, maintenant passons au léger, au subtil au furtif…
Siddartha va nous aider, parce que là, très clairement, il n’y a pas photo, je ne reviendrai pas là dessus, les moines en Laboratoire, le Mind and Life Institute, Mario Beauregard, Krishnamurti et David Bohm, les références solides existent et si vous avez encore des doutes, je vous invite à les découvrir (cf liens dans le blog à ces sujets).
Que nous dit Siddartha ? Que l’esprit a pour nature « l’absence d’existence intrinsèque », ouch… Une nature négative en fait, de quoi s’agit-il ?
Il nous explique clairement : l’esprit reflète, comme un miroir, ce n’est donc pas « ce qui est perçu » ni son reflet c’est « ce qui perçoit ». Et « ce qui perçoit » est « absence » = non, d' »existence intrinsèque ». Ce n’est pas saisissable, c’est mouvant, furtif interdépendant, fluide, changeant… Comment le « voir » ou plus précisément le « réaliser » ?
Siddartha nous dit qu’il faut calmer déjà le « grossier » qui nous empêche de le voir, de quoi s’agit-il ?
Il nous dit, tout l’Univers peut se décomposer ainsi : 5 Agrégats, la forme, les sensations, les perceptions, la volition, et la conscience.
La forme : l’arbre, la sensation : la lumière de l’arbre qui passe dans les yeux, la perception : la mise en forme de cette lumière comme « image de l’arbre » dans l’esprit, la volition : la capacité de l’esprit à se concentrer sur son objet, ici l’arbre (si votre esprit part ailleurs, il n’est pas « calme » il est agité, il a tendance à ne pas savoir rester en place sur un objet), la conscience : le fait que l’esprit se dit « cette image que je vois, sur laquelle ma volition est calée, que ma perception a construite à partir de la sensation de lumière qui provient de la forme de l’objet, cette image, je la nomme arbre, je la reconnais comme étant un arbre ».
Où est l’esprit dans ce processus ? Nulle part et partout à la fois. La conscience de « l’image interne de l’arbre » est furtive, instantanée, et n’est pas indépendante de l’arbre lui même, de la sensation liée à la lumière de l’arbre, de la perception de cette lumière, de la volition qui se cale sur cette perception. Et avant cette conscience, elle était là, potentiellement là, sans être là. Peut-on dire qu’elle était dans l’arbre, dans la sensation de la lumière de l’arbre, dans la perception, dans la volition avant que de se manifester ? Non, mais on ne peut pas dire qu’elle n’y était pas du tout non plus, parce que si on enlève un seul de ces éléments, alors elle ne se manifestera pas du tout !
L’instant de conscience est donc interdépendant, il dépend, de tout ce processus ! Mais pas seulement. Il dépend aussi de l’instant de conscience précédent. Comment cela ? Eh bien la volition, le fait que la conscience passe d’un objet à un autre, ou reste calée sur un objet, possède une certaine intertie (vérifiez par vous mêmes comment se comporte votre propre volition), une certaine continuité. Et la conscience aussi, passe de la conscience d’un objet, à la conscience d’un autre objet, quitte à ce que ce soit un non-objet (l’objet nul, l’objet zéro, l’absence d’objet). Vérifiez, (Siddartha insiste sur l’expérience personnelle pour bien comprendre, comme en mathématique le professeur vous incitera à faire les exercices et pas seulement à savoir le cours).
Donc la conscience, le « je », cet instant furtif, mais qui s’enchaîne à un autre instant furtif, de proche en proche, n’est pas les 5 agrégats, mais en dépend, il n’en est pas distinct non plus, parce que si on les enlève, l’instant de conscience ne sera pas. Il est donc interdépendant avec les 5 agrégats.
Peut-il s’auto-observer ? Non ! Et c’est cela sa nature : l’absence d’auto observation, parce qu’il n’existe pas par lui même., Ce fait que le « je », le point d’observation, l’esprit en tant que point unique d’observation, n’existe pas par lui même, comment l’expliquer autrement ?
Le « je », cette conscience pourrait s’écrire disons physiquement par Je(t), et ce Je(t) est lié à son objet d’observation O(t-dt), qui en est distinct, interdépendant mais distinct. On pourrait écrire donc Je(t) <= O(t-dt), parce que l’objet n’est pas simultané avec le je qui l’observe. Et quand O = Je ou qu’on essaie de faire coïncider O avec Je, ça donne Je(t) <= Je(t-dt), mais on ne peut pas faire coïncider Je(t) avec Je(t-dt). Et donc Je(t) est toujours insaisissable, tout le temps, à jamais. L’observateur « subtil » le « Je » qui réalise sa propre absence d’observabilité, sa propre absence de possibilité de « saisie » de lui même, est pure observation, pure expérience, non objet, non saisissable, non définissable conceptuellement, parce qu’il ne peut pas s’observer lui même.
Réduit à cette observation sans cesse renouvelée, il est pure absence d’existence autonome et pure observation renouvelée sans début ni fin, il est vacuité.
Merci pour cette jolie démonstration de la vacuité. En lisant cet article, je viens de comprendre la « réciproque » en métaphysique du processus de la mesure en physique quantique. Von Neumann a démontré que le placement de la coupure entre sujet et objet n’a pas d’importance sur la compréhension de la mesure. Cette confrontation objet/sujet se « réalise » souvent au détriment de l’objet i.e. qu’intuitivement, nous plaçons le sujet observant « au dessus » (ontologiquement tout du moins) du sujet observé (= »objet »). Mais, cette vision peut être rétablie et considérer alors que sujet = objet ou pour mieux comprendre, objet = sujet ! Puisque l’objet (tel que défini par les sciences) est interdépendant du sujet qui l’observe, le sujet l’est également. Il est donc impossible (sauf dans le solipsisme) d’isoler le sujet observant, ce que vous illustrez parfaitement bien avec Siddharta. Il suffit pour s’en convaincre formellement d’appliquer les équations non sur l’objet mais sur le sujet observant (cela revient au même. En bref, vous m’avez éclairé, je vous remercie.