Michel Dubois invité Mercredi dernier par Jean Staune à l’UIP, a décrit sa thèse où il arrive à la conclusion que l’intention peut-être décrite par un formalisme de type « mécanique quantique ».
J’ai posé trois questions à Michel Dubois auxquelles il m’a aimablement donné les réponses que j’expose ici.
1 – Pourquoi l’intention exige l’indéterminisme ?
a) Définition de l’intention
Une intention, c’est en premier lieu la capacité de définir, ou d’imaginer, la réalisation de quelque chose qui n’existe pas, que ce but soit atteignable ou pas. Le but défini est constitutif de l’intention, et ce, indépendamment de la réalisation de cette intention. Sans but, il ne peut y avoir d’intention.
b) Conséquence immédiate
Le but définit un projet, c’est à dire un fin, nous dirons philosophiquement que c’est une finalité. Or, une fin ne peut être définie selon une relation de cause à effet, sinon, ce n’est pas une fin, c’est un résultat mécanique. Si la finalité se réduit à un résultat d’une succession de causes à effets, ce ne peut être une finalité. La finalité ne se préoccupe pas des moyens. Cela ne signifie pas que, pour atteindre cette finalité, il ne faut pas de moyens. Si je veux aller voir ma mère, je prendrais les moyens, et ils seront totalement descriptibles en termes de causes et d’effets, sauf à l’origine, laquelle enclenche les moyens, résultats de causes et d’effets, pour atteindre la fin. C’est le paradoxe de l’action selon un but (ou une fin), c’est qu’elle n’est possible que si le déterminisme (la succession linéaire de causes et d’effets) existe ! Mais cela signifie qu’il y a un indéterminisme : la première cause. Et généralement, lorsque nous agissons selon un but, nous n’avons pas la moindre idée des causes que nous mettons en oeuvre… Cet éclaircissement, qui a été pour moi, une véritable découverte, est expliquée pendant quelques dizaines de pages, dans ma thèse. Je peux conduire ma voiture pour aller voir ma mère. La voiture est entièrement déterminée. Il n’empêche que cette détermination, ne m’empêche pas de l’utiliser pour aller où je le décide (et la voiture n’y est pour rien, alors qu’elle fait tout le trajet…
c) Toute action intentionnelle conduit ainsi à l’indéterminisme fondamental de l’initialisation des mécanismes déterminés (la série déterminée) qui mène au résultat. En fait une « action intentionnelle » est souvent une succession d’actes intentionnels. Par exemple, en fonction des bouchons, je peux décider de modifier mon parcours (la voiture n’y est pour rien).
2 – Pourquoi la mécanique quantique ?
a) En fait, la physique quantique n’est pas pour moi une sorte de panacée, de réponse aux angoisses existentielles, ou la solution au mystère de l’existence. Il s’avère que je recherche pour répondre à l’existence de l’action réelle de l’intention sur la matière, dont j’ai conclu à l’existence nécessaire, un indéterminisme particulier. Il doit se situer en amont des séries déterminées de l’action intentionnelle. Or celles-ci commencent au niveau neurologique, et, à ce niveau, par récurrence au niveau des particules élémentaires. Il est certain que cet indéterminisme doit permettre une projection dans le futur, soit une étrange capacité à « transcender le temps ». Il ne peut être complètement local, car selon les choix il faut initier la série déterminée en des lieux du cerveau qui sont différents. Remarquons que, étalé, le cerveau fait près de 2 m2… Non, local, non temporel, indéterminé… De plus, dans l’absolu, atteint par récurrence, l’action de l’intention viole le principe de la conservation de l’énergie. A ce jour, je ne vois guère que le « champ quantique » qui réponde à ce que je cherche… J’ai aussi consacré pas mal de pages à cette recherche d’un « indéterminisme adéquat »…
b) La physique quantique ne permet pas de décrire l’intentionnalité. Elle est nécessaire pour la rendre possible. C’est manifestement une condition nécessaire mais non suffisante, contrairement à ce que suggère JohnJoe McFadden (cf ma thèse). Nécessaire, car l’indéterminisme décrit par les physiciens y correspond, non suffisante car nul projet n’apparaît dans le fonctionnement quantique.
c) En fait, il m’apparaît maintenant que je ne me suis pas penché précisément, dans cette thèse, sur ce qui différencie l’intentionnalité de l’indéterminisme : c’est le but. C’est à dire quelque « chose » qui ne peut être défini que subjectivement. Et là, je suis complètement consonant avec Dominique Laplane. Même s’il peut être objectivé par la parole, et encore mieux, par la parole mise par écrit, un but est de l’ordre du sens, c’est à dire de l' »intersubjectivité ». Nous pouvons le comprendre, l’évaluer, parce que nous avons cette capacité subjective… Je pourrais généraliser, il me semble, en disant que c’est le subjectif qui, par sa capacité projective, implique la nécessité de l’indéterminisme.
3) Voyez vous un lien entre la conclusion qui consiste à admettre la validité à la fois du monisme et du dualisme, et la notion Bouddhiste de validité de deux réalités : réalité ultime et relative ?
Pour ce qui concerne le Bouddhisme, ou l’Advaita Vedanta chez les Hindous, il y a bien deux réalités, celle qui est une, ultime, indifférenciée, et sans limite, et sa manifestation, qui est multiple, différenciée, et limitée. L’intention s’enracine dans l’indifférencié (dans le sens que sans celui-ci, elle est impossible), mais génère de la différenciation. Sans intentionnalité, je crois qu’il ne serait pas possible de passer de l’une à l’autre (dans les deux sens). Mais par contre, je ne comprends pas comment l’intentionnalité apparaît… Pourquoi la réalité ultime a-t-elle « besoin » de cette capacité, sinon pour expérimenter le relatif ? On peut spéculer, mais ce n’était pas mon intention…
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